Un nouveau plan de « lutte contre le chômage » vient d’être lancé par François Hollande en ce début d’année 2016. Il ne sera, pas plus que les précédents, créateur d’emploi. Comme ceux-‐là, il n’est destiné qu’à améliorer les statistiques publiées et n’aura pas d’autre effet.
Depuis trente-‐cinq ans, le chômage s’accroit, depuis trente-‐cinq ans les mesures prises, toujours du même ordre d’ailleurs, s’avèrent inefficace. Ce qui n’a jamais déterminé aucun dirigeant politique à envisager d’en changer. Constants dans l’erreur ? Pourquoi ?
Il me semble que la racine du mal est une erreur d’analyse. Le chômage est un problème social (certains diraient « sociétal », il concerne la société et pas spécifiquement la solidarité ou l’entraide), pas un problème économique. Pour les entreprises, surtout les grandes, une forte proportion de chômage ne présente presque, que des avantages. Facilité à trouver de la main d’œuvre. A maintenir des rémunérations basses. A faire accomplir les tâches dangereuses ou pénibles à bas coût … La faiblesse du pouvoir d’achat distribué n’ayant que peu d’importance, lorsque l’on vise un marché international. Un problème social doit être traité par des mesures sociales. Le traiter comme un problème économique ne peut être qu’erroné
Le principal rôle des institutions, du gouvernement, consiste à administrer le domaine public, à gérer ce que nous avons en commun. A fixer les règles de fonctionnement de la société. Et celle-‐ci a, depuis une cinquantaine d’années que je m’intéresse au sujet, beaucoup changé. Les règles qui y président, fort peu. Au moins pour les règles importantes, toute la législation étant désormais encombrée de lois et règlements inutiles ou superflus, ne concernant jamais que des exceptions, sans tenir aucun compte du cas général.
Or, dans le cas du chômage, comme pour de nombreux autres problèmes de notre société, aucune mesure homéopathique, surchargeant un système labyrinthique et kafkaïen, ne permettra d’apporter une solution. On soigne une blessure grave par des mesures chirurgicales. Pas, par quelques onguents et placébos.
Pour des raisons historiques, que j’ai exposées par ailleurs et qui ne correspondent plus à la situation actuelle, le financement du système social repose (presque exclusivement) sur les salaires. Conscients que ceci ne correspond plus à la réalité sociale, les courbes des rémunérations et des dépenses sociales divergeant de façon de plus en plus radicale, les gouvernements successifs ont cherché à adapter le système « à la marge ». CSG, CRDS, allègement ou exonération de cotisations sur les salaires les plus bas.
Ces méthodes ne sont pas seulement inefficaces, mais nuisibles. Elles ont principalement des « effets d’aubaine » déterminant les entreprises à remplacer les emplois « normaux » par les emplois « aidés ». A favoriser la concurrence d’entreprises utilisant ces systèmes sur d’autres qui, versant des cotisations « normales », ne peuvent survivre.
La diversité des systèmes de cotisation, qui a des raisons historiques incontestables, est devenue nuisible. Défavorable à l’emploi, désorganisant le marché du travail, favorisant la fraude et l’intervention d’entreprises étrangères.
Il faut changer le financement du système social de façon radicale, pour l’adapter à la situation actuelle. Désormais et contrairement à ce qui se passait il y a une soixantaine d’années, tout le monde, y compris les immigrés en situation irrégulière, bénéficie du système social. Il faut donc que ce soit l’ensemble du fonctionnement de la société qui y contribue et pas seulement les salaires et autres rémunérations.
Ce qui correspond, en l’état actuel de la « monétisation » ou « financiarisation » de la société, au plus près de cet ensemble est le chiffre d’affaires. A condition bien sûr qu’aucun domaine n’en soit exclu et que rien ne vienne le restreindre. Surtout pas les activités financières. Un seul taux de cotisation frappant toutes les ventes de biens ou de services, sans aucune exclusion, ni déduction, permettrait l’assiette la plus large et le taux le plus bas.
Aucun « patron », chef ou responsable d’entreprise, cadre, ne crée jamais aucun emploi, « pour le plaisir de créer un emploi » ou même pour bénéficier de mesures destinées à favoriser la création d’emploi. Il ne crée un emploi que parce que les besoins de l’entreprise l’y déterminent. Pour son profit ou son développement. Et si un achat, de matériel, produit, service, de la sous-‐traitance, peut lui permettre d’atteindre le résultat sans créer d’emploi, c’est la solution qu’il choisira, en privilégiant la moins risquée. Celle comportant le moins d’engagement pour l’avenir.
Il n’est pas efficace « d’inciter », ni « de favoriser » la création d’emploi. Il faut mettre en place des conditions qui fassent que les chefs d’entreprise aient intérêt à créer de l’emploi, plutôt qu’à faire appel à d’autres solutions.
Si l’on veut vraiment favoriser l’emploi et aller au bout du raisonnement, il faut donc ne déduire de la base des cotisations sociales que les salaires, en en prévoyant un pour les chefs d’entreprises individuelles, mais en plafonnant la déductibilité à un montant raisonnable, qui pourrait être de 10.000 € par mois et par personne.
Ceci entrainerait des bouleversements dans la société. Une importante réduction des tâches et donc des emplois administratifs. Une forte augmentation de l’offre d’emploi dans les secteurs productifs. Donc de la création de richesse, une réduction des coûts et de la distribution de pouvoir d’achat.
Il n’est pas possible de décrire les conséquences sur l’ensemble de la société, ni même sur plusieurs secteurs économiques, un traité n’y suffirait pas et le présent texte est un simple article. Mais il est possible de l’envisager pour l’agriculture, secteur particulièrement sensible actuellement en France.
Dans le domaine agricole, les producteurs réalisent, pour la plupart, de petits chiffres d’affaires et versent des cotisations sociales élevées. Les distributeurs réalisent de gros chiffres d’affaires et ne versent, en proportion, que peu de charges sociales. Ce d’autant plus que les produits importés ne supportent pas de cotisations sociales, alors qu’ils contribuent, souvent plus que les autres, aux coûts sociaux. Le rééquilibrage proposé des cotisations sociales favoriserait donc l’emploi de main d’œuvre dans l’agriculture, au détriment des traitements mécaniques et chimiques. Dans la distribution, les structures de coûts tendraient à modifier les politiques d’achat.
Il est clair qu’un changement aussi radical pourrait entrainer des bouleversements sociaux. Surtout s’il est mis en œuvre brutalement et sans pédagogie.
Néanmoins, il est possible de ne le mettre en œuvre que progressivement. En l’instaurant d’abord à un très faible taux, par exemple 1%, déductible des charges sociales actuelles, dont la disparition pourrait être programmée sur plusieurs années, en conservant un équilibre par rapport aux cotisations actuelles.
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