Prison à l’encontre de ceux qui signaleraient la présence de contrôleurs : une loi liberticide, des peines totalement disproportionnées
Réunis en commission mixte paritaire, les parlementaires ont intégré à la loi contre le terrorisme dans les transports en commun une peine de prison pour ceux qui signaleraient la présence de contrôleurs. Une mesure liberticide et contreproductive selon CheckMyMetro, le réseau social des transports.
Le 10 février 2016, la commission mixte paritaire qui réunit députés et sénateurs a adopté une disposition ( article 13 ) qui prévoit que « le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support,tout message de nature à signaler la présence de contrôleurs ou d’agents de sécurité employés ou missionnés par une xploitant de transport public de voyageurs est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ».
Il serait alors plus sévèrement puni de signaler la présence d’un contrôleur que de frauder ! Une mesure totalement disproportionnée selon de nombreux acteurs. Pour le sénateur François Bonhomme, « il ne semble pas justifié d’ériger en délit le fait de signaler laprésencedecontrôleurseffectuantuncontrôle, la formulation retenue du texte transmis étant par ailleurs très floue ». Cette peine est ainsi largement plus lourde que les signalements de radars ou contrôles sur les routes, passibles d’une simple amende et mis en place qui plus est dans un souci de sécurité routière !
C’est un exemple symptomatique du « tout sécuritaire » voulu par le gouvernement, au risque de fabriquer des lois liberticides avec des conséquences démesurées par rapport aux actes eux‐mêmes.
Car derrière la fraude se cache une véritable insatisfaction de la part des usagers. « Le fait de signaler la présence de contrôleurs sur twitter ou sur une application est en effet un moyen pour les usagers de se réapproprier leurs transports et de faire pression sur la qualité de service » note Benjamin Suchar, le fondateur de l’application CheckMyMetro et poursuit : « Non seulement la RATP ou les autres régies de transports en commun sont en situation de monopole, mais leur gestion est très opaque et les usagers n’ont aucun moyen de contrôle. Pourtant les sujets d’insatisfaction sont nombreux : tarifs, ponctualité, fréquence des dessertes, manque d’innovation, etc ». Gabriel Plassat, ingénieur au service de transportet mobilité de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie) et auteur du blog « Transports du futur » voit aussi dans ce type d’application des moyens de pression pour que la qualité du système de transport et sa performance économique soient plus transparents. « De la fraude, il y en a toujours eu et l’encouragement via les nouvelles technologies ne peut être qu’à la marge » explique Bruno Marzloff, sociologue et président du groupe Chronos.
Des applications comme CheckMyMetro ont d’ailleurs permis de nombreuses innovations. Grâce à cette application, les voyageurs du métro deviennent enfin connectés au sein d’une communauté. Ils partagent sur leur environnement en « checkant » musiciens, coups de cœur, coups de gueule, retards ou même la présence de contrôleurs. Et c’est grâce à la pression mise par cette start‐up sur la RATP en 2011 que l’application mobile de cette dernière est devenue gratuite. C’est aussi grâce à CheckMyMetro que la RATP s’est engagée dans l’ouverture de ses données avec la possibilité d’utiliser enfin son plan de métro librement.
Pour lutter contre la fraude dans les transports en commun de nombreuses pistes existent : possibilité de valider son titre de transport par mobile ou carte bancaire sans contact, plafonnement dutarifjournalier, meilleure qualité de service, écoute des usagers et ouverture à des services innovants, etc. Une peine de prison pour le seul fait de signaler la présence de contrôleurs ne devrait pas en être une pour un pays démocratique comme la France.
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