Billet février 2016 du docteur Leber, fondateur d’Acatis, société de gestion indépendante allemande.
On voit beaucoup de commentaires sur la bourse mais aucune « véritable » explication sur l’opacité de l’évolution des marchés boursiers.
Tentons une explication : l’effondrement des prix du pétrole (dû à un renforcement de l’offre et non à un affaiblissement de la demande) génère, dans le budget des États producteurs de pétrole, un trou qui doit être comblé par la vente de valeurs mobilières. Pour une production annuelle de 30 milliards de barils, chaque dollar de baisse correspond à une perte de 30 milliards pour les producteurs. Dans le passé, cet argent était utilisé pour l’achat de titres en hausse (p. ex. : le fonds d’État norvégien) et ces demandes d’achat font actuellement défaut. Parallèlement, certains pays vendent des titres pour combler leurs importants déficits budgétaires. Les candidats à ce scénario sont des pays tels que l’Arabie saoudite, Abu Dhabi, le Nigéria, le Venezuela et la Russie. La Chine vient également allonger la liste des vendeurs de titres en raison de l’affaiblissement de ses exportations. À elle seule, elle a l’an dernier vendu environ 100 Mds$ de placements financiers liquides. Le prix des valeurs mobilières a donc baissé en raison d’une pression à la vente.
Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Chaque dollar de baisse des prix du pétrole est tout bénéfice pour les consommateurs, que ce soit à la station essence, sur la facture de chauffage ou encore lors de l’achat de produits en matière plastique ou d'engrais. Les consommateurs disposent actuellement d’un pouvoir d’achat en augmentation de 1,5 billion de dollars. Un chiffre pharamineux, qui devrait doper la consommation. Et on observe effectivement une augmentation des ventes de voitures, des hôtels affichant complets et des hausses de loyers, particulièrement aux Etats-Unis et en Chine, mais aussi en Europe, à une moindre échelle.
Le monde n’est pas appauvri. La prospérité des producteurs de pétrole a tout simplement afflué vers les consommateurs. Il faut attendre un certain temps pour que cette évolution conjoncturelle soit visible. A cela vient s’ajouter l’énorme tsunami des taux d’intérêt. Les marchés obligataires représentent, à l’échelle mondiale, environ 225 billions de dollars. Une baisse de 1% des taux d’intérêt occasionne annuellement un transfert de 2 billions au détriment des épargnants et au bénéfice des emprunteurs. En Europe, nous ressentons en outre les effets d’un euro faible qui rend nos exportations moins chères et favorise notre position concurrentielle.
Nous voyons donc un bruyant craquement à court terme sur les marchés du pétrole mais en même temps un glissement de prospérité en faveur des consommateurs se répand lentement mais sûrement à l’échelle mondiale. Cette consommation aura des répercussions positives sur les bilans d’entreprises.
Les baisses de cours des derniers mois ne sont donc que très peu liées à la santé des entreprises. Le prix des valeurs mobilières a certes baissé mais leur valeur est plutôt en hausse.
Nous vivons donc de nouveau une de ces situations historiques dont on dira plus tard : « si seulement on avait saisi l’occasion à l’époque ! ». De nombreuse actions sont devenues bon marché (PER aux alentours de 10) et les titres de certains pays atteignent même des niveaux dérisoires. On trouve en Russie des actions avec un PER de 4 : une bonne raison de se livrer à l’ivresse des bonnes affaires ! Ces estimations nous permettent de maintenir pour les marchés financiers en 2016 les perspectives positives que nous avions en fait prévues dès 2015.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir