L’analyse de Caroline Courvoisier, co-fondatrice de la plateforme de crowdfunding immobilier française canberraimmo.fr.
Loin d’être un phénomène exclusivement français, le crowdfunding immobilier est un secteur dont la rapide croissance est mondiale. D’après une étude américaine1, le marché global atteindrait 2,57 Mds$ (+150% vs/2014). L’année 2015 a été particulièrement marquée par une consolidation de 2 modèles et leur expansion sur tous les continents.
Présent sur tous les continents, le crowdfunding immobilier s’est organisé en deux modèles d’investissement bien distincts :
1/ L’investissement dans des sociétés portant une opération immobilière identifiée : les Internautes investissent dans un projet entrepreneurial de construction-vente (logements, commerces, bureaux…). Ce type d’investissement entre dans le cadre de la souscription de titres de PME non cotées. Partout dans le monde, les taux de rendement observés sont de 7 à 12%. On peut citer par exemple les plateformes LcLending au Japon, Bergfurst en Allemagne, CrowdfundUp en Australie, et The CrowdEstates en Espagne, dont le modèle est comparable à celui des plateformes françaises habilitées.
2/ L’investissement locatif en commun : les Internautes achètent à plusieurs un bien destiné à être loué. Dans ce cas les rentabilités affichées sont très variables, allant de 3 à plus de 20% par an selon le type de projet (logements, bureaux, commerces), la référence (rentabilité annuelle ou TRI) et le pays. C’est la spécialisation de plateformes comme Aqarfunder en Egypte, Mayfair&Morgan au Royaume-Uni, Durise au Moyen-Orient ou Property Mogul en Nouvelle Zelande. Point commun n’entre toutes ces offres : un ticket d’entrée pour l’investisseur relativement faible, permettant de s’adresser au grand public.
Une année de création des législations locales permettant le développement des plateformes immobilières
De nombreux pays ont légiféré en 2015 pour favoriser le développement de l’investissement en crowdfunding tout en lui donnant un cadre juridique. Partout la même tendance émerge, calant les droits et obligations des plateformes sur ceux d’intermédiaires financiers existants, avec pour fil conducteur la transparence de l’information pour l’investisseur.
Le Canada a ainsi lancé sa première plateforme NexsusCrowd, levant 8 M$ en 1 mois pour la construction d’un centre commercial à Toronto avec 10% de rentabilité. En Australie le site CrowdfundUp a financé un premier projet de promotion immobilière à hauteur de 500.000 dollars pour 11% de rendement. En Asie, la Malaisie fait office de pionnier du secteur immobilier avec 6 sites habilités par les autorités en juin, tandis qu’en Chine 128 plateformes généralistes proposent ce type d’investissement depuis l’été. La Russie n’est pas en reste avec Aktivo, plateforme lancée par un serial entrepreneur du e-commerce. La Corée du Sud et la Nouvelle Zélande disposent également de leurs plateformes immobilières, tout comme la Côte d’Ivoire avec le site Coproprio.
En France, la législation du 1er octobre 2014 a permis l’habilitation de 6 plateformes spécialisées en immobilier en 2015, chacune proposant aux internautes d’investir directement dans des projets de construction menés par des PME locales. Un coup de pouce à l’emploi, puisque chaque opération mobilise à elle seule des dizaines de petites entreprises représentant des corps de métiers différents (architectes, ingénieurs, géomètres, métiers du bâtiment, ventes et suivi clients, ainsi que toutes les fonctions supports telles que les métiers juridiques, comptables etc). Les plateformes basées sur le modèle locatif restent néanmoins dans l’attente de la définition d’un cadre législatif précis.
Si des pays comme l’Inde réfléchissent à un cadre légal adapté, dans d’autres pays le crowdfunding immobilier n’est pas encore autorisé. En Italie par exemple, l’equity crowdfunding ne peut être utilisé que pour des projets sociaux ou innovants. A ce jour seuls quelques projets d’immobilier social ont pu accéder au financement, posant la question de l’ouverture du secteur.
Une fin d’année entre mutation rapide du secteur et tendance à la globalisation
Aux Etats-Unis, pays pionnier, la physionomie du crowdfunding immobilier évolue très rapidement. Jusqu’à l’automne, seuls les « investisseurs qualifiés » (plus de 200 000$ de revenus annuels ou plus de 1 million de patrimoine) pouvaient investir. L’assouplissement des règles autorise depuis l’automne la collecte auprès du grand public. L’engouement des Internautes et des professionnels permet aux plateformes de participer au financement de tous types de projets, de la maison individuelle au projet exceptionnel tel que le 3 World Trade Center de New York, gratte-ciel de 80 étages. Cette démocratisation s’accompagne d’une forte tendance des investisseurs particuliers, notamment les 25/49 ans, à diversifier encore plus leur portefeuille.
Face à ce succès mondial, certaines plateformes affichent des ambitions internationales. C’est le cas de Co-owning en Suède, qui propose d’investir dans des immeubles de rendement en Europe et aux Etats-Unis, et de Crowdium en Argentine, qui malgré son récent lancement veut devenir la première plateforme d’Amérique Latine. Enfin Coasset, basée à Singapour, finance des projets en Asie du Sud-Est et en Australie. Son développement a précédemment été favorisé par l’impossibilité légale de créer des plateformes de crowdfunding immobilier dans les pays de cette région du monde. En effet, on observe que l’absence d’autorisation dans un pays profite à ses voisins, dans ce que l’on pourrait qualifier de tendance à la « e-délocalisation » : des projets immobiliers brésiliens, colombiens ou mexicains sont par exemple financés via des plateformes situées aux Etats-Unis.
*Canberra-immo.fr est immatriculée en tant que CIP auprès de l’ORIAS et membre de l’association professionnelle Finance Participative France.
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