Par Marc-Antoine Collard, Chef Economiste, Rothschild & Cie Gestion
- L’économie américaine aura finalement connu en 2015 une croissance légèrement supérieure à 2%, soit le même rythme moyen qu’au cours des cinq dernières années.
- Le taux de chômage a poursuivi son recul et converge vers son niveau d’équilibre.
- La croissance des salaires devrait s’accélérer et ainsi dépasser les 2% observés depuis maintenant plusieurs trimestres.
C’est dans ce contexte que la Fed décidera de relever demain son taux directeur. En effet, en raison des délais plus ou moins longs de transmission de la politique monétaire et de sa perception que la faiblesse actuelle du taux d’inflation n’est que transitoire, la Fed semble convaincue qu’il lui faut débuter dès maintenant la normalisation de sa politique monétaire pour ainsi lui permettre de mettre en place une approche très graduelle. La Fed voudra aussi conserver sa crédibilité puisque sa présidente Mme Yellen n’a cessé d’envoyer des signaux clairs qu’une hausse du taux directeur était à prévoir d’ici la fin de 2015. Nous y sommes donc.
Reste que la dualité de l’économie américaine est flagrante, avec d’une part une faiblesse manifeste du secteur industriel et des exportations, et d’autre part une demande interne tirée principalement par la croissance des dépenses de consommation. Quelques points sont donc à souligner :
- L’indice ISM manufacturier est l’un des meilleurs indicateurs du cycle économique américain. Or, pour la 1ère fois depuis les années 1980, la Fed augmentera son taux directeur malgré un ISM manufacturier inférieur à 50. À cette époque, la Fed de M. Volcker faisait face à un taux d’inflation avoisinant les 10 % par rapport à 0,5 % aujourd’hui.
- L’écart entre les indices ISM manufacturier et non-manufacturier est d’environ 9 points. En plus de 15 ans, il n’y a eu que 2 épisodes (2000 et 2005) où ces 2 indices ont différé dans une telle proportion. Chaque fois, c’est plutôt l’indice non-manufacturier qui a convergé vers le bas. D’ailleurs, si les indices de confiances des ménages (Conference Board ou Université du Michigan) restent à des niveaux relativement élevés, la tendance depuis le début de l’année est néanmoins orientée à la baisse. En outre, l’indice de confiance des PME américaines est également orienté à la baisse.
En somme, l’économie américaine pourrait s’essouffler et non pas accélérer en 2016 dans un contexte où la décélération de l’économie mondiale ainsi que a force du dollar ont un impact négatif important sur l’activité industrielle américaine. Cet impact pourrait non seulement contaminer les autres secteurs, mais également se poursuivre encore un certain temps. En effet, la Banque du Japon, la BCE et la Banque centrale chinoise voudront garder leurs monnaies faibles. De plus, la pression baissière sur les monnaies émergentes par rapport au dollar pourrait se poursuivre.
À n’en pas douter, la Fed en tiendra compte dans son processus de normalisation monétaire, d’autant plus que les conditions financières aux États-Unis se sont durcies en raison notamment de l’élargissement des écarts de crédit (credit spread) et d’un secteur du high yield chahuté. Si le décalage entre les projections de la Fed (taux fed funds supérieur à 2,5% fin 2017) et celles du marché (taux fed funds fin 2017 à moins de 1,5%) est important, c’est la Fed qui devra vraisemblablement revoir à la baisse ses anticipations de hausses de taux.
Je m’attends donc à une baisse des dots demain lors de la publication de la mise à jour des prévisions du FOMC et à un discours de Mme Yellen qui demeure très accommodant.
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