Pour Eric Bourguignon, Directeur de la gestion taux et crédit chez Swiss Life AM, " la façon dont la Fed réduira son bilan dans les mois à venir reste une préoccupation majeure."
Après plusieurs années d’une politique monétaire ultra-accommodante, le moment est venu pour la Fed de relever ses taux. Cela devrait se concrétiser, lors du comité monétaire de mercredi, par une 1ère hausse de 25 points de base. « Le consensus de marché parie sur un resserrement très progressif des conditions monétaires, via trois hausses de taux de 25 points de base en 2016 » constate Eric Bourguignon. Ces anticipations minimalistes sont plutôt en ligne avec la communication jusqu’ici prudente de la banque centrale, qui souhaite normaliser en douceur sa politique monétaire.
Attention toutefois. Même si elle n’est pas aujourd’hui la plus probable, l’hypothèse d’une évolution plus rapide qu’attendu des salaires et de l’inflation dans les mois à venir pourrait bousculer les plans de la Fed. « Si, parallèlement à l’amélioration des fondamentaux économiques américains, une accélération des pressions salariales se matérialisaient dans les mois à venir, la Fed ne disposerait alors plus de la même marge de manœuvre. Elle se verrait dans ce cas contrainte d’ajuster plus rapidement, donc plus brutalement, ses taux, pour ne pas ‘courir’ derrière l’inflation. Il ne faut pas écarter ce scénario ».
Un resserrement monétaire à marche forcée aurait des répercussions sur les marchés financiers, pas vraiment préparés à cette situation. « Cela aurait par exemple un impact négatif sur les performances des actifs obligataires, mais aussi sur les devises émergentes les plus sensibles au dollar. Ces dernières années, celles-ci ont subi de fortes séquences de stress à chaque annonce inattendue de la Fed » juge Eric Bourguignon.
Jamais la création monétaire n’aura été aussi effrénée que ces dernières années.
La réduction du bilan de la Fed fait figure d’expérience inédite pour la banque centrale. Outre le rythme du relèvement du taux des Fed Funds en 2016, le dégonflement du bilan de la banque centrale reste une véritable interrogation. En annonçant l’arrêt de son quantitative easing l’année dernière, la Réserve fédérale a seulement cessé de créer de la monnaie, mais n’a pas réduit son bilan. Elle continue de réinvestir le produit des titres obligataires qu’elle conserve dans son bilan. « La progression des marchés actions et obligataires est aujourd’hui assez dépendante de l’abondance de liquidités. La façon dont la Fed va gérer la réduction de son bilan dans les deux années à venir est donc absolument déterminante pour les investisseurs ».
La Fed a devant elle deux principales options pour réduire son bilan : laisser « mourir » naturellement les titres obligataires qu’elle détient, en les conservant jusqu’à leur échéance, ou liquider une partie de son actif en revendant ses titres. La première solution semble la plus appropriée, dans l’objectif d’une réduction du bilan sans risque d’assèchement abrupt de la liquidité pour les marchés. « Mais là encore, tout est question de temps. Le cycle économique américain peut tout-à-fait s’accélérer et exiger de la Fed une destruction rapide et forcée de la monnaie. Or, l’arrivée à échéance de l’ensemble des titres acquis par la Fed, dans le cadre de ses opérations de quantitative easing, prendra plusieurs années. C’est tout le dilemme du retour à la normale de la politique monétaire américaine, qui doit s’adapter aux réalités macroéconomiques sans pour autant déstabiliser les marchés financiers », conclut Eric Bourguignon.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir