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« La BCE plus crédible que le marché »

Rémi Lelu de Brach, Gérant Taux chez Quilvest Gestion, commente la réunion mensuelle de la BCE du 3 décembre 2015

Principales mesures
- Baisse du taux de rémunération des dépôts à -0,30%
- Prolongement du programme de rachats d’actifs de 6 mois
- Réinvestissement du capital remboursé
- Elargissement des achats de titres à la dette des collectivités locales


Prévisions macroéconomiques de la BCE

Inflation
2015 : 0,1% contre 0,1% précédemment
2016 : 1% contre 1% précédemment
2017 : 1,6% contre 1,7% précédemment

Croissance
2015 : 1,5% contre 1,4% précédemment
2016 : 1,7% inchangées
2017 : 1,9% contre 1,8% précédemment


Attentes du marché

Lors de la précédente réunion, la BCE avait prévenu le marché qu’elle ne laisserait pas la déflation s’installer en Europe. Elle annonçait ainsi réfléchir à toutes les options pour renforcer sa position accommodante, notamment via une baisse du taux de rémunération des dépôts.
Ensuite, au cours du mois de novembre, l’agence Reuters avait laissé filtrer des commentaires off de banquiers centraux qui militaient pour une franche baisse du taux de dépôts avec éventuellement une rémunération en fonction du montant total de dépôt. Comme, historiquement, Mario Draghi a toujours surpris par son attitude plus accommodante que ne l’anticipe le marché, ce dernier anticipait donc une baisse de 0,20% du taux de rémunération des dépôts et un prolongement du QE de 1 an avec un élargissement de ce dernier à d’autres classes d’actifs.


Conférence de presse

La réunion précédente avait été paradoxale. En effet, alors que Mario Draghi se félicitait des nombreux signes de reprise de l’économie européenne, il considérait qu’il était important d’agir davantage afin d’éviter que l’Europe bascule en déflation. En effet, sa crainte était nourrie par la faiblesse des anticipations d’inflation.
Cette fois-ci, le président de la BCE est toujours aussi positif sur la conjoncture européenne (par exemple les anticipations de croissance 2015 et 2017 ont été revues à la hausse), mais il ne parle plus des anticipations d’inflation, ni de spirale déflationniste. Le ton est donc résolument plus optimiste.
Concernant les mesures mises en place, nous avons donc un prolongement de 6 mois du programme de rachats d’actifs (soit un renforcement de l’enveloppe globale de rachats de 360 Mds€). La BCE a aussi baissé de 10 bps son taux de rémunération des dépôts pour l’amener à -0,30%. Elle a également décidé d’élargir son univers de titres éligibles aux émissions de dettes régionales. L’Allemagne étant le plus gros marché de dettes régionales en Europe avec la dette des länder, ceci permet à la BCE de diversifier ses positions sur la dette de ce pays, alors que les obligations d’état allemandes offraient un rendement négatif jusqu’à 7 ans.
Il faut noter que les membres de la BCE n’étaient pas unanimes sur la décision d’aujourd’hui. Ceci peut laisser penser à un changement du rapport de force. Historiquement, ce sont les banquiers centraux allemands qui s’opposent aux décisions de la BCE (notamment à la mise en place du QE en 2013-2014). Cette fois-ci, nous avons l’impression que ce sont les pays du Sud qui s’opposent à cette décision qu’ils jugent insuffisamment accommodante.
Enfin, la BCE ouvre la porte à de nouvelles actions si nécessaires. Pressé de dire si le taux de rémunération des dépôts avait atteint son point bas, Mario Draghi refuse de commenter, se laissant ainsi la possibilité de le baisser encore si cela s’avère nécessaire à moyen terme (même si ça reste peu probable à court terme).


Impact sur le marché

Le marché s’attendait à une position beaucoup plus accommodante. Le taux allemand remonte de 15bp à 2 ans et de 20bp à 10 ans. Sans surprise, l’Euro profite de la position plus mesurée de la BCE. Celui-ci gagne 2,7% face au Dollar


Notre analyse

Tout d’abord, il faut souligner que même si les marchés anticipaient une action plus significative, la BCE a fait davantage que ce qui était anticipé il y a 2 mois. Ainsi, elle reste parfaitement crédible dans sa communication et montre qu’elle reste fidèle à sa position de la réunion précédente sans se laisser influencer par le marché. Cependant, la Banque Centrale est toujours à la manœuvre et elle est prête à agir pour lutter contre la déflation. D’un point de vue macro-économique, alors que les premières tensions salariales commencent à s’observer aux États-Unis, l’Europe avec un chômage pléthorique est encore plus proche de la déflation que de la hausse de l’inflation. D’ici un an, il ne faut donc pas s’attendre à une remontée des taux. Nous pensons que les taux à 10 ans allemands devraient rester dans un canal compris entre 0,40 et 0,80%.

Finalement, la BCE laisse la possibilité à la Fed de remonter ses taux dès la prochaine réunion. En effet, une position beaucoup plus accommodante n’aurait pas manqué de faire fortement monter le Dollar face à l’Euro, gênant la Fed dans sa volonté de commencer sa phase de resserrement monétaire. Il est probable que la position de Mario Draghi depuis la précédente réunion avait pour objectif d’éviter la remontée des taux européens par contagion de la hausse des taux américains. Une forte baisse de l’Euro et des taux ont convaincu la BCE que ce risque était écarté.

Nous continuons d’anticiper une hausse des taux de la Fed lors de la prochaine réunion.

http://www.quilvest.fr/


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