Par Gabriel Guallino, enseignant-chercheur au sein du centre de recherche du Groupe INSEEC
Activision Blizzard, l’un des éditeurs de jeux les plus populaires au monde (Call of Duty, World of Warcraft…), a acquis hier King Digital Entertainment pour 5,4 Mds€. Si Activision est connu pour ces jeux sur ordinateur et console, il est plus discret sur ses revenus tirés du mobile avec 5% de son CA. Cette entreprise, depuis sa fusion avec Vivendi Games en 2007, est l’un des géants des jeux vidéo mondiaux.
Candy Crush et ses dérivés sont des jeux « mignons », très populaires, mais ne doit-on pas craindre que la somme soit démesurée ? Si l’on se réfère aux chiffres publiés au 3 novembre 2015, la prime d’acquisition est évaluée à 16% (certains analystes la portant même à 20%). Il s’agit d’une prime raisonnable. Cependant, en valeur absolue, les acquisitions récentes dans le digital, très médiatiques, n’ont pas atteint un tel niveau de prix. A titre d’exemple, Apple a acheté Beats Audio pour 3 Mds$, ou Microsoft s’est porté acquéreur, pour 2,5 Mds$, de l’éditeur de jeux Mojang, connu pour Minecraft.
Même si comparaison n’est pas raison, dans l’industrie du cinéma, Disney a acquis Marvel ou Lucasfilm pour des montants inférieurs alors que leur potentiel de croissance était largement supérieur aux jeux réalisés par King.
De plus, si on s’intéresse aux facteurs de risques publiés dans le document de référence (8-K) du 3 novembre 2015 d’Activision, plusieurs incertitudes pèsent sur King : une dépendance en CA à un jeu phare, une incapacité à sortir un autre best-seller malgré le lancement de Candy Crush Soda ou de Bubble Witch Saga, un ralentissement du nombre de joueurs, etc.
Des chiffres communiqués récemment viennent confirmer ces inquiétudes : le nombre d’utilisateurs mensuel se stabilise et celui d’utilisateurs payant est en baisse. Ne va-t-on pas assister à un scénario à la Rovio, auteur du célèbre Angry Birds, qui n’a pas réussi à développer un jeu aussi populaire qu’Angry Birds et qui a dû récemment licencier une partie de son personnel ?
Les arguments stratégiques sont cependant au rendez-vous :
- Activision est fortement dépendant des jeux sur ordinateur et console, alors que la croissance sur les tablettes et smartphones est largement supérieure ;
- Même en baisse, le nombre d’utilisateurs payants sur Candy Crush est supérieur à celui de World of Warcraft ;
- Activision par cette acquisition, achète un portefeuille de jeux et d’utilisateurs sur lesquels il va pouvoir capitaliser afin de créer des synergies.
Il s’agit certainement d’une diversification nécessaire pour cette entreprise. De plus, certains titres d’Activision ont certainement un potentiel important sur mobile, et leur transfert représenterait une synergie potentielle mais était-ce nécessaire de racheter King pour mettre en œuvre cette stratégie ?
En conclusion, il y a fort à craindre qu’Activision n’ait à déprécier dans un avenir proche la survaleur générée par l’acquisition de King, la dépréciation des actifs acquis étant souvent le signal qu’une acquisition était trop coûteuse. Mais, quand nous voyons des acquisitions récentes dans les réseaux sociaux, ou dans la communication avec, par exemple, l’acquisition de Nokia par Microsoft par exemple, n’est-ce pas en passe de devenir une habitude ?
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