Les marchés semblent être tirés par davantage que les attentes d’un nouvel assouplissement des conditions financières. Ce qui incite NN Investment Partners à réduire son positionnement défensif et à mettre fin à sa sous-pondération des actions et des obligations risquées.
La faiblesse des marchés émergents peut-elle peser sur la croissance mondiale?
La divergence entre les forces présentes dans les marchés développés, qui soutiennent la croissance mondiale, et les forces des marchés émergents, qui pèsent sur la croissance, a augmenté depuis le début de l’année, les dernières gagnant en importance au détriment des premières. Il est crucial de se demander à quel moment les facteurs négatifs en provenance des marchés émergents contamineront l’univers développé dans une telle mesure qu’un ralentissement significatif de la croissance mondiale deviendra inévitable. Le timing exact de ce point de renversement est très difficile à déterminer car l’économie et les marchés n’évoluent pas toujours de façon linéaire et prévisible. Qui plus est, leur dynamique est fortement influencée par des attentes susceptibles de s’autoalimenter.
Il n’est pas étonnant que ces forces opposées créent des incertitudes supplémentaires pour les marchés. Comme toujours, ceci a des répercussions sur l’économie réelle, ce qui complique encore la situation. Néanmoins, même ce contexte des plus complexes donne des indications intéressantes permettant de mieux comprendre les développements que nous observons actuellement sur les marchés mondiaux.
La vigueur du dollar pèse sur les économies émergentes
Au cours de l’année écoulée, l’évolution des taux de change a clairement joué un rôle majeur. Le dollar américain s’est notamment montré plus sensible aux attentes relatives à la politique monétaire américaine qu’à l’accoutumée. Ceci s’explique probablement en partie par le fait que les cycles économiques sont largement désynchronisés à l’échelle mondiale. La vigueur du dollar a une influence potentiellement non linéaire sur la faiblesse des marchés émergents. Beaucoup de pays émergents, dont la Chine, lient en effet leur taux de change au dollar. Ceci les contraint à importer le resserrement des conditions monétaires américaines. Échapper à cette tendance est difficile car une part relativement grande de la dette du secteur privé de ces pays est libellée dans des monnaies fortes telles que le dollar.
Cette interaction entre la vigueur du dollar et l’affaiblissement des fondamentaux des marchés émergents se répercute sur les économies développées de façon potentiellement non linéaire également, par le biais d’une faible demande externe, d’un déclin des prix des matières premières, de pressions baissières sur les prix des marchandises, de risques baissiers pesant sur les attentes inflationnistes et d’un resserrement des conditions financières à la suite d’une augmentation de l’aversion pour le risque.
Position inconfortable pour les banques centrales
Ceci peut également être alimenté par le fait que les marchés ont commencé à accorder davantage d’attention à la diminution des munitions dont les économies des marchés développés disposent pour faire face à un important choc négatif qu’en 2008. Ceci est lié dans une certaine mesure à la capacité des décideurs politiques de réagir : il est en effet plus facile et plus efficace d’abaisser les taux que d’étendre des programmes d’assouplissement quantitatif. Néanmoins, la perception de la volonté de réagir importe également. En théorie, il subsiste des munitions suffisantes sous la forme d’une expansion budgétaire financée par une activation de la planche à billets. Ceci semble toutefois toujours une voie exclue par les décideurs politiques des marchés développés. Ce contexte complique la décision de la Réserve fédérale de resserrer sa politique monétaire.
Il est même possible que le souhait de resserrer la politique monétaire empêche un véritable resserrement pendant un certain temps. La présidente de la Fed, Janet Yellen, a déclaré que le repli des actions américaines et l’appréciation du dollar correspondaient à un resserrement des conditions financières et étaient susceptibles de ralentir l’économie américaine. La hausse des primes de risque mondiales observée en particulier en août pourrait donc être partiellement justifiée par le mécanisme susmentionné.
Cela ne signifie pas que les primes de risque resteront aux niveaux actuels car les attentes du secteur privé jouent un rôle important à ce niveau. En d’autres termes, la perception de l’ampleur d’une éventuelle poursuite du ralentissement de la croissance des marchés émergents, des attentes de dépréciation des devises émergentes, de l’évolution dans les marchés développés ou de la capacité des décideurs politiques des marchés développés à réagir peut évoluer dans un sens positif ou négatif.
Amélioration de la tendance de croissance des marchés émergents
Ces dernières semaines, les primes de risque se sont à nouveau contractées, ce qui est partiellement imputable à la perception d’un ralentissement moins rapide de la croissance des marchés émergents. Notre indicateur de la tendance de croissance des marchés émergents, qui reflète les fluctuations à 3 mois des 8 principaux indicateurs cycliques des 19 plus grandes économies émergentes, s’améliore progressivement depuis la mi-août. Ces dernières semaines, le redressement a été plus prononcé. Il convient toutefois de souligner que l’indicateur demeure en territoire négatif, ce qui signifie que la croissance absolue diminue toujours. Pour l’instant, la décélération semble cependant moins marquée. Les indices des directeurs d’achats (PMI) de septembre ont évolué de façon plus ou moins similaire. Dans la plupart des pays, le résultat reste inférieur au niveau neutre de 50, mais la détérioration a globalement pris fin. Certains pays ont encore affiché un déclin (Brésil et Afrique du Sud), d’autres enregistrent un statu quo, et dans certaines des économies asiatiques les plus ouvertes (Corée et Taiwan), on observe une nette amélioration.
Faibles chiffres américains perçus comme positifs pour les marchés émergents
Il est également intéressant de noter que le sentiment à l’égard des marchés émergents s’est apaisé à la suite de certaines données économiques américaines inférieures aux attentes. L’indice ISM, l’un des principaux indicateurs avancés de l’économie américaine, est redescendu en septembre à un peu plus de 50, le niveau qui marque la séparation entre une croissance et une contraction de l’activité. En outre, l’emploi n’a augmenté que de 142 000 unités en septembre et le chiffre d’août a été revu à la baisse. La croissance salariale n’est pas parvenue à se redresser non plus. Ceci a accru la probabilité d’un report du premier relèvement des taux par la Fed. Les marchés considèrent désormais que la faiblesse du marché du travail américain et les attentes inflationnistes américaines justifient surtout le report du resserrement monétaire, et non les risques émanant des marchés émergents pour la croissance ou la liquidité future des États-Unis, comme c’était le cas en septembre, lorsque la Fed n’a pas relevé les taux. Les marchés émergents, en particulier ceux qui dépendent le plus des capitaux étrangers, disposent désormais d’un peu plus de temps pour régler leurs problèmes. Les sorties de capitaux des marchés émergents pourraient ralentir et on pourrait assister à un certain assouplissement des conditions financières des marchés émergents après le net resserrement de ces derniers mois.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir