Le 15 octobre dernier, la XVIème Convention annuelle de l’Association Française des Conseils en Gestion de Patrimoine Certifiésa réuni près de 170 CGP Certifiés et professionnels du monde de la finance.
Après avoir fait dialoguer dirigeants et experts de la bancassurance sur les effets de la transformation numérique dans les services financiers en termes de productivité et de service au client (1), puis sur l’apport et le futur des Fintechs » (2), CGPC a proposé aux certifiés des ateliers (3), puis a lancé le débat sur un thème qui suscite de nombreuses interrogations chez les CGPC, celui de l’arrivée des « robo-advisers » ou « robots-conseillers » sur le marché français du conseil financier et de leur impact à terme sur le métier plus global de conseil en gestion de patrimoine (4).
1/ Transformation numérique des établissements financiers
Pour Etienne Pelcé, directeur général d’Allianz Banque et d’Allianz Patrimoine, le numérique entraîne une mutation des métiers à tous les niveaux de la chaîne de valeur des établissements financiers. Il explique que « cette transformation impacte les process, la commercialisation des produits et services ainsi que la relation client, bien au-delà de sa fonction d’interface ».
Il décrit un client à venir sur-informé, travaillant par lui-même à partir d’outils numériques, allant chercher l’avis de ses pairs avant d’aller acheter une prestation de conseil, de démarcher son conseiller et de le consulter, comme le patient consulte son médecin, à l’opposé du process d’aujourd’hui où c’est le conseiller qui démarche des clients potentiels armé de ses produits.
2/ Start-up de la Fin Tech : effet de mode ou remise en cause des modèles économiques ?
Pour Alain Clot, président de France FinTech, et Seddik Jamaï, directeur Innovative Strategies & Transformation, secteur Financial Services de CapGemini, l’arrivée des fintechs et des robots advisors va nous faire entrer dans une période faisant la part belle au conseil d’un nouveau type. Le consommateur devient un utilisateur, qui va sur internet, y trouve des services gratuits et a surtout besoin d’être guidé, dans le respect de son indépendance et dans la transparence. Cela posé, les sujets de conseil ne manquent pas en France : problématiques patrimoniales, de retraite, de succession, de fiscalité, d’arbitrage de leurs portefeuilles. Ils sont relativement peu défrichés aujourd’hui, ce qui fait dire aux deux experts qu’il y a des places à prendre.
Les deux intervenants voient les « fintechs » moins comme se substituant aux banques et compagnies d’assurances que comme étant « leurs compléments », de par les produits, les services et l’aide à la décision à base de numérique qu’elles proposent ; ce du fait aussi de la réglementation, qui rend très difficile leur entrée sur certains segments de la chaîne de valeur. La menace principale, selon eux, est que les acteurs futurs du conseil financier soient uniquement étrangers et grands acteurs de l’Internet (GAFA : Google, Amazon, Facebook, Apple) car ces derniers maîtrisent mieux que quiconque l’utilisation du « big data » et ont une certaine capacité à faire bouger les lignes de la régulation.
CGPC a là un rôle à jouer : il lui faut favoriser les contacts, le dialogue entre les fintechs et les CGP. Il est également important de réfléchir à la manière dont les requis de la certification et les formations proposées aux certifiés doivent évoluer pour mettre les CGP en situation de savoir utiliser ces outils : « même si, bien évidemment, la relation personnelle avec le client sera toujours essentielle, les CGP doivent être capables à terme d’intégrer la plus-value que les fintechs procurent en rigueur, rapidité et crédibilité… ».
3/ Utiliser les réseaux sociaux digitaux pour développer sa clientèle patrimoniale
Maxime Maeght, auteur du « Guide du networking pour développer votre clientèle » ED Eyrolles, a présenté les spécificités des actions de networking tournées vers le développement de l’activité pour les professionnels du conseil.
Il est courant que le Conseil en Gestion de Patrimoine Certifié fasse état de difficultés à construire son portefeuille clients, en début de carrière notamment. Les réseaux sociaux sont incontournables pour voir et être vu. Maxime Maeght a expliqué que le CGP devait savoir choisir ceux qui sont adaptés, compte tenu de la communauté avec laquelle il souhaitait interagir. Il a souligné qu’ils devaient être utilisés en tant que tels: « pour être performant sur les réseaux sociaux, le CGP Certifié doit en maîtriser les us et coutumes, les utiliser comme outils de réseautage et non de démarchage, et en maîtriser les risques ».
Inverser le marketing de la demande avec le web client : Jean-Pascal Amigues, gérant fondateur d’AMC, démontre l’apport du numérique à travers des logiciels spécifiques focalisés sur les obligations réglementaires et métiers, qui permettent par exemple une parfaite traçabilité des échanges et une mise à jour des dossiers plus facile ainsi que, point important, l’automatisation des mécanismes d’alerte. Il pointe lui aussi la « nécessité » du conseil : « l’utilisation du numérique induit une plus grande autonomie du client tant pour l’accès aux fondamentaux que s’agissant des méthodes de calcul, tandis que les professionnels du conseil demeurent incontournables dans l’accompagnement et la construction stratégique ».
4/ Quelle place demain pour les conseillers dans un marché désintermédié et servi par des automates ? Table ronde animée par Olivier Brunet de Toutsurmesfinances.com
Léonard de Tilly, co-fondateur de Fundshop, Philippe de Cholet, associé de Matignon Finances et Gilles Artaud, président fondateur de Planète Patrimoine Soft, ont expliqué que dans le domaine de la gestion d’actifs, les robots s’adressaient à une clientèle grand public qui n’a pas recours aujourd’hui au conseil en gestion de patrimoine. Ils se sont accordés pour dire que, s’agissant de clientèle disposant d’un patrimoine substantiel et en attente d’un conseil global, l’intervention humaine d’un conseiller était indispensable et qu’il y avait donc une complémentarité à organiser entre conseillers et robots.
Certains se sont montrés « optimistes » sur scène et dans la salle : arguant de ce que les clients sur le marché français étaient demandeurs d’une gestion de conviction et non d’une gestion quantitative, ils estiment peu probable que les robots prennent une part de marché significative. D’autres ont avancé que, même s’il était peu vraisemblable que des modèles purement « online » prospèrent à court-moyen terme et remettent ainsi en cause brutalement les modèles de conseil en place, les Fintechs allaient probablement avoir un impact important sur les marges, comme pour les acteurs de l’épargne en ligne (la cible étant cette fois la marge non plus sur l’entrée mais celle sur la gestion d’actifs, qui permet de rémunérer les distributeurs et donc le conseil).
La conclusion a été qu’il y avait un véritable enjeu à abaisser le coût du conseil, pour éviter qu’il soit réservé à une élite prête à le rémunérer en honoraires. Le débat a bien été lancé.
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