Par Eli Koen, Responsable Actions Turques chez UBP
La Turquie traverse une période d’incertitude politique et géopolitique. Les discussions en vue d’une coalition étant abandonnées, de nouvelles élections législatives se tiendront le 1er novembre. À ce stade, il ne devrait pas y avoir de changement significatif dans les intentons de vote. Les sondages actuels témoignent d’une probable hausse des votes (1 point) en faveur de l’AKP (Justice et Développement) et du CHP (Parti républicain du peuple), au détriment du HDP (Parti démocrate du peuple) et du MHP (Mouvement nationaliste).
Si ces tendances se confirmaient, la répartition des députés ne devrait pas permettre l’émergence d’un parti de gouvernance. Il existe aussi des spéculations, dans la presse turque, quant à un éventuel report des élections compte tenu des tensions à la frontière sud-est du pays. Un tel scénario serait une mauvaise nouvelle pour les marchés financiers.
Marchés financiers : une prime de risque dégradée, malgré les perspectives économiques positives du pays
Ces évolutions ont inévitablement un impact négatif sur la prime de risque de la Turquie. Par conséquent, les marchés actions, les marchés de taux et la devise du pays sont pénalisés. À court terme, les opérateurs de marché vont rester focalisés sur le calendrier politique et conserver une attention particulière aux attaques terroristes à la frontière du pays.
Malgré cet environnement politique difficile, les perspectives économiques sont relativement stables : pour 2015, le PIB (estimé) turc devrait s’établir à 3%, un rythme modéré par rapport aux niveaux des années passées, mais honorable dans le contexte économique global actuel. Plusieurs secteurs d’activité se distinguent par une croissance solide, c’est le cas de l’automobile avec des ventes en forte progression (+50% an/an), du secteur immobilier (ventes en hausse de 21% an/an) et des biens de consommation (+10% an/an). Le marché du crédit est toujours en bonne santé (prêts à taux fixe en hausse de 19%). Même si une hausse des prêts non performants est constatée au sein du système bancaire turc, le rythme de progression du marché du crédit s’inscrit dans la moyenne historique. De leur côté, les banques turques restent relativement bien capitalisées, aucun signe de pression systémique n’étant aujourd’hui perceptible.
Enfin, le déficit de la balance courante du pays a désormais reflué à moins de 5%, après avoir connu un point haut à 10%. L’efficacité budgétaire est toujours assurée, avec un déficit et une dette publics assez faibles. À 7,1%, l’inflation n’est pas particulièrement élevée au regard des standards historiques du pays.
La Bourse d’Istanbul sensible à la psychologie des investisseurs internationaux
L’environnement politique (à l’intérieur et autour du pays) est source de risques, mais aussi d’opportunités d’investissement. La détente des sanctions économiques des pays occidentaux envers l’Iran devrait être favorable à la dynamique commerciale de Turquie. En effet, l’Iran est un voisin important et un partenaire historique du pays. Cependant, l’escalade dans les conflits syrien et irakien pourrait détériorer les relations commerciales de la Turquie avec ces pays et dégrader, à court terme, les performances de la Bourse turque (Istanbul Stock Exchange) en comparaison aux autres marchés émergents.
L’appétit global pour le risque reste aussi un facteur majeur pour la performance de la Bourse turque. Le comportement des investisseurs à l’échelle globale pourrait se traduire par une nouvelle baisse des flux d’investissement en direction des fonds actions émergentes, et, indirectement, par des mouvements sur les taux d’intérêt et la devise turcs. Qui plus est, la politique de la Réserve fédérale américaine - dont la hausse des taux directeurs devrait bientôt être actée - va continuer de représenter un catalyseur important pour les marchés émergents.
De la même façon, les politiques monétaires ultra expansionnistes mises en place par les autres grandes banques centrales continueront d’être analysées de près par les investisseurs. Celles-ci contribuent significativement à l’évolution du degré d’appétit au risque des investisseurs internationaux.
L’orientation des marchés turcs sera favorable lorsque l’analyse des fondamentaux redeviendra au premier plan
À court terme, l’évolution du contexte politique national va continuer d’influencer le sentiment de marché. La volatilité des marchés devrait se maintenir, jusqu’à ce que la situation politique se stabilise et que les perspectives macroéconomiques se substituent aux facteurs politiques au premier plan des catalyseurs de marché. Lorsque la situation politique sera plus lisible, les marchés s’intéresseront à nouveau aux fondamentaux, comme le rythme de croissance à long terme ou les niveaux de valorisation des actions.
Nous sommes convaincus que l’analyse de ces éléments permettra de croire à une progression soutenue des marchés turcs !
Comprendre l'économie durable pour s'y investir