Par Olivier Grenon-Andrieu, Président d’Equance, société de Conseil en Gestion Privée.
Le règlement européen sur les successions, signé par les Etats membres de l’UE (à l’exception du Royaume-Uni, du Danemark et de l’Irlande), change fondamentalement les règles internes de droit international privé.
Signé en 2012 (avec effet au 17 août 2015), il harmonise les règles de successions internationales afin d’éviter les conflits de lois. Il concerne la liquidation civile, c’est-à-dire la répartition des biens mobiliers et immobiliers entre les héritiers. S’il ne touche que les règles civiles, il implique évidemment un impact sur la fiscalité.
La loi de la « résidence habituelle » s’applique désormais
Afin d’éviter le morcellement de la masse successorale entre plusieurs pays, le nouveau règlement applique le principe de l’unité de la loi successorale à tous les biens : ainsi, la loi de la dernière résidence habituelle du défunt est appliquée. Cette loi est à vocation universelle : elle s’opère dans tous les Etats membres de l’UE signataires, ainsi que dans les Etats tiers si leurs règles internes le permettent.
Avant ce règlement, les successions en matière de droit international privé français étaient régies par la règle de scission : on appliquait pour les biens mobiliers la loi du dernier domicile du défunt, et, pour les biens immobiliers, celle du lieu de situation des immeubles. Il pouvait ainsi y avoir un véritable morcellement de la succession.
Exemple d’une Française vivant en Italie. Avant le 17 août dernier, son décès aurait engendré l’application de la loi française sur les successions pour ses biens immobiliers français, et l’application de la loi italienne pour ses biens immobiliers italiens, ainsi que ses biens mobiliers. Avec ce nouveau règlement européen, tous ses biens, mobiliers et immobiliers, en France et en Italie, seront régis par la loi italienne… Pour les biens situés en dehors de ces deux pays, non-signataires du règlement européen, il faudra vérifier à qui la règle de conflit de loi donne compétence. Enfin, la France appliquera le règlement européen dès lors que la loi applicable ne sera pas contraire à l’ordre public. A moins qu’elle ne réalise un acte notarié désignant la loi du pays (dont elle a la nationalité) devant s’appliquer en cas de décès, pour régir sa succession.
Possibilité de se soustraire à ce règlement s’il est estimé défavorable
C’est, en effet, une possibilité incluse dans le règlement européen, appelée « loi choisie par Professio Juris ». Ce règlement permet d’établir auprès d’un notaire une déclaration de loi applicable qui, à la manière d’un testament, offre la possibilité de demander à ce que ce soit la loi de sa nationalité qui s’applique après le décès, plutôt que celle de sa résidence habituelle.
Une disposition extrêmement importante qu’il convient de mettre en place si le dispositif successoral du pays de résidence est moins favorable aux héritiers. Tout expatrié doit donc, aujourd’hui, se poser la question et réaliser une étude comparative, afin, le cas échéant, de prendre les mesures lui permettant de bénéficier de la « Professio Juris.».
Petit bémol : certains pays se réservent le droit de refuser d’appliquer la loi choisie selon ce processus. C’est, par exemple, le cas des Etats-Unis et du Maroc, qui ne reconnaissent pas la désignation de loi applicable pour les biens situés sur leur territoire.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir