Par Dimitri Andraos, Responsable de la gestion de Taux et Crédit de SwissLife AM
Le segment de la dette bancaire, qui représente plus de la moitié du marché des obligations corporate, a connu son lot de fortunes et d'infortunes depuis l'éclatement de la crise financière, mi-2007. Si la période d'exacerbation des craintes concernant la santé des banques -et donc cet univers d'investissement- est derrière nous, une période d'incertitudes lui a succédée, liée à de perpétuels changements réglementaires. Les annonces successives de différentes instances internationales ont un impact direct sur la qualité de crédit des titres concernés et donc leur valorisation. C'est ainsi par exemple, qu'il a été récemment envisagé que la dette senior de la holding d'un groupe bancaire soit subordonnée à celle des établissements opérationnels. Une décision qui exposerait à un risque accru les détenteurs de ce type de titres émis par une holding.
Les porteurs de dette senior ne sont plus à l'abri
Après le renflouement par les Etats européens de certains établissements bancaires, les dirigeants politiques ont la volonté de faire cotiser tous les porteurs obligataires à d'éventuels renflouements à venir. En conséquence, dans la perspective de la mise en œuvre du principe de « bail-in » (renflouement interne, par opposition au « bail-out », le renflouement externe), il est prévu de faire participer aux pertes les porteurs de dettes seniors non adossées à des créances. La dette senior ne peut plus être considérée comme sans risque, y compris en dehors d'une situation de faillite. Ses détenteurs peuvent en effet être appelés à compenser un niveau de fonds propres insuffisant au regard des nouveaux minimums légaux : ces obligations seniors peuvent faire bénéficier une banque qui a besoin de se recapitaliser d'un apport en capital sans passer par une augmentation de capital, qui serait plus onéreuse. Elle substitue ainsi de la dette à du capital. Après cette décision des institutions européennes, les dettes seniors ont subi des dégagements, car elles apparaissaient comme offrant un rapport risque-rendement moins attractif que les dettes subordonnées, plus rémunératrices, telles que les obligations « Additional Tier 1 » (AT1). Ces instruments dits de « capital contingent » ont vocation à être converties en actions, temporairement dépréciées ou annulées si les ratios de solvabilité d'une banque tombent sous un certain seuil.
Dans ces conditions, la plupart des obligations AT1 n'appartiennent plus à la catégorie investment grade, alors que les banques émettrices le sont en règle générale au titre de leurs émissions seniors. Cependant, leur présence dans les indices high yield n'est pas systématique. Beaucoup de ces benchmarks excluent les financières, même si elles sont susceptibles d'apporter une diversification dans un univers d'émetteurs corporate haut rendement.
Les titres subordonnés affichent une bonne résistance en période de volatilité
Les soubresauts de ces dernières semaines sur les marchés obligataires ont d'ailleurs démontré la bonne résistance des titres subordonnés des financières. Ils n'ont pas décroché aussi fortement que certains autres segments du marché obligataire vers lesquels les investisseurs à la recherche de rendement s'étaient précédemment portés, telles que les émissions des pays périphériques de la zone euro (dont le spread vis-à-vis du Bund s'est écarté).
L'offre des banques est d'autant plus importante qu'elles ont besoin de se constituer des coussins de capital réglementaire aussi élevés que possible, afin de protéger du risque de bail-in les titres « senior unsecured » (qui ne sont pas garantis par des actifs). Les « covered bonds » (obligations foncières en France), ces obligations garanties par des prêts immobiliers ou de collectivités publiques, s'avèrent d'ailleurs être le dernier pan du marché de la dette bancaire véritablement à l'abri.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir