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Obligations d’entreprises : la dichotomie ordinaire ‘investment grade/high yield’ correspond de moins en moins à la réalité des marchés

Par Marc Olivier, DG France de Nordea Investment Funds.

Le marché des obligations d’entreprises est traditionnellement segmenté en deux compartiments clairement identifiés, entre catégorie « investment grade » réputée pour son couple rendement/risque relativement prudent, et catégorie « high yield », beaucoup plus offensive. Cette distinction usuelle repose sur la classification historique établie par les agences de notation, permettant de mesurer la qualité de crédit des émetteurs. Ainsi, les titres obligataires les mieux notés (de AAA à BBB), c'est-à-dire réputés pour leur qualité de crédit, sont considérés investment grade, tandis que leurs homologues les moins bien notés (de BB à D) sont classés high yield.

Fort pratique, cette grille de lecture n’en reste pas moins réductrice lorsqu’il s’agit pour l’investisseur de sélectionner les obligations corporate qu’il compte intégrer en portefeuille. Dès leur origine au tournant des années 70-80, les segments investment grade et high yield ont pour vocation de répondre aux contraintes réglementaires, en matière de gestion du risque crédit et de transparence, imposées aux acteurs institutionnels.

De fait, les investisseurs ont donc généralement tendance à ne se concentrer que sur l’une ou l’autre de ces deux catégories, délaissant un pan entier d’obligations pourtant attractives, positionnées à leur carrefour. C’est ce que l’on appelle communément l’univers crédit « cross-over », regroupant les titres dont le niveau de qualité n’est plus tout-à-fait investment grade et ceux dont le niveau de qualité n’est pas encore assez dégradé pour être considéré purement high yield. En somme, les obligations corporate notées BBB, BB et B par les agences.

S’il ne s’agit pas d’une catégorie normative en tant que telle, cet univers correspond étroitement à une réalité de marché. La stature d’une entreprise change plus rapidement que la notation qui lui est attribuée par les agences, notation trop souvent établie a posteriori. D’une certaine façon, prêter attention aux obligations situées au seuil commun du high yield et de l’investment grade permet de capitaliser sur des sociétés dont les fondamentaux de la dette sont en train d’évoluer. Le profil type de ces entreprises ? D’une part, les « rising stars » ou entreprises montantes qui n’ont pas encore de véritable historique de résultats financiers, mais dont le business est en plein essor. Celles-ci voient ainsi le statut de leur dette high yield, requalifié en investissement grade. D’autre part, les

fallen angels ou entreprises déchues, qui sont très souvent d’ex-émetteurs investment grade, rétrogradés dans la catégorie inférieure. Cet abaissement de note résulte le plus souvent de difficultés notables de l’entreprise et d’une détérioration de ses fondamentaux, qui s’avère le plus souvent passagère.

Quand un scénario de fallen angel se dessine pour une entreprise, ses obligations se déprécient mécaniquement. Avant même qu’une agence de notation décide de réviser sa note, l’éventualité même d’une rétrogradation et d’un changement de catégorie provoque déjà des ventes forcées de la part de certains institutionnels, pour des raisons réglementaires. Cela déclenche un sell-off massif sur ces obligations. Mais en réalité, savoir déceler le moment où une société est en passe d’être dégradée en high yield, représente une opportunité d’achat sur une dette de relativement bonne qualité à un cours inférieur à sa valeur intrinsèque, après une baisse significative des prix. D’ailleurs, une fois effective, l’intégration d’une obligation dans le haut du high yield lui procure très souvent un rallye haussier. Et dans le cas où l’obligation n’est finalement pas rétrogradée, conservant son statut grâce à un assainissement du bilan de l’entreprise, l’investisseur reste gagnant dans la mesure où le titre a été acquis à un prix attractif. Inversement, lorsqu’une entreprise montante issue de la catégorie high yield est promue en investment grade, les détenteurs d’obligations bénéficient généralement d’une valorisation de leurs titres, puisque les marchés saluent l’amélioration des fondamentaux de l’entreprise.

Encore relativement inexploré par les gestionnaires traditionnels, l’univers crédit « cross-over » n’est donc pas à négliger dans l’environnement d’aujourd’hui, où les taux d’emprunt sont historiquement bas. Cette source de rendement inédite permet de regrouper au sein d’une seule et même allocation obligataire, des titres classés au seuil de deux catégories que l’on oppose par commodité. Pour l’investisseur final, nul doute que la valeur ajoutée se situe dans la combinaison d’un rendement potentiellement supérieur à celui proposé en investment grade et d’un niveau de risque inférieur à celui du segment high yield.

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