Le gouvernement serait bien inspiré de se hâter pour le logement, fût-ce sans exagération : "Festina lente" (hâte-toi lentement) est encore une citation latine... Décidément, on va regretter le latin : il nous fournissait des expressions denses et efficaces...
Par Norbert Fanchon, Président du Directoire du Groupe Gambetta*
L'expression de notre langue est ambiguë : "forcer l'allure". Cela veut dire "accélérer", tout simplement, mais l'idée de l'excès est aussi là, contenue dans le verbe "forcer". Elle est décidément bien adaptée à la description de l'action du gouvernement pour engager les réformes décidées, tantôt rapides, tantôt d'une lenteur coupable.
Deux illustrations sont sous nos yeux. Pas plus tard que mercredi, quelques heures à peine après la grève d'une partie des enseignants, alors que l'opinion y semble résolument hostile, la ministre de l'Éducation nationale signe le décret et l'arrêté qui bouleversent le fonctionnement du collège en France. Ces textes créent notamment le curieux concept d'EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires), en sacrifiant d'ailleurs le latin et le grec. Les syndicats ont trouvé la méthode cavalière, voire hussarde : pourquoi aller si vite? Pourquoi aucune concertation?
L'autre illustration, aux antipodes quant au rythme, nous est donnée par la politique du logement.
Prenons la loi ALUR. On attend depuis mai 2014 des centaines de textes d'application, aujourd'hui en panne :
- obligation de formation continue pour les agents immobiliers et les administrateurs de biens,
- déontologie,
- commission nationale de contrôle,
- bail d'habitation type,
- état des lieux type,
- fiche explicative,
…la liste des outils de modernisation et de sécurisation des pratiques immobilières toujours indisponibles est longue. Le gouvernement fait travailler le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière, créé par la loi ALUR pour l'éclairer sur les sujets de sa compétence... Le CNTGI rend des copies à un rythme soutenu. On lit en vain le Journal Officiel tous les jours, mais rien ou presque ne sort.
Il ne s'agit au demeurant pas que de la loi ALUR : le Premier ministre a assigné à son secrétaire d'Etat à la simplification la mission de nettoyer l’empilement, voire le magma des normes de construction qui enchérissent les coûts et les prix de sortie, désolvabilisant les ménages accédants à la propriété. Par exemple, la norme relative aux personnes à mobilité réduite devait être amendée, sans coups férir, pour la fin 2014. Aujourd’hui, cette réforme est enterrée !
La lenteur de l'exécutif pour réformer le logement et le cadre d'exercice de ses acteurs professionnels tranche singulièrement avec son rythme pour revoir l’organisation du collège. C’est dommage, alors que la relance de l’accession à la propriété dans notre pays fait consensus dans le corps social. La bonne méthode serait sans doute entre la rapidité et la lenteur : "In medio stat virtus" (la vertu est au milieu) pourrait-on dire si le latin n'était stigmatisé par l'actuel gouvernement.
Hélas, mieux codifier les pratiques en transaction et en gestion immobilières, ou réduire les coûts de construction, n’est pas considéré comme politiquement porteur de paillettes. Pourtant, des millions de familles et d'entreprises (constructeurs, agents immobiliers, administrateurs de biens et promoteurs) sont concernées...
*Le Groupe Gambetta est membre de la Fédération des Promoteurs Immobiliers et de l’Union Sociale pour l’Habitat.
www.groupegambetta.fr
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