Une partie des investisseurs institutionnels retrouve le chemin de l’immobilier résidentiel. C’est un regain d’intérêt, presque un retour en grâce.
Par Vincent Mahe, Secrétaire Général du Groupe SNI, filiale immobilière d’intérêt général de la Caisse des Dépôts et premier bailleur de France, qui se mobilise en faveur des objectifs de relance de la construction fixés par le chef de l’Etat.
Une capacité d’investissement de 1,2 Mds€. En dix ans, la part du logement dans le portefeuille des investisseurs institutionnels est tombée à environ 10% des actifs immobiliers et moins de 1% du total. On connaît les raisons qui ont conduit à ce retrait : des prix perçus comme élevés ; le poids des nouvelles normes de solvabilité (« Solvency ») ; un sentiment d’incertitude réglementaire que les débats de la loi ALUR ont exacerbé ; les risques d’image liés aux contentieux avec les occupants et, plus généralement, le coût d’une gestion locative très atomisée.
Ce paysage morose est-il en train de changer ? Avec la baisse des taux d’intérêt, les institutionnels doivent chercher une alternative peu risquée à la dette d’Etat. Dans ce contexte, le logement affiche un bon équilibre entre rendement et risque, avec une prime de l’ordre de 2% sur les emprunts d’Etat, des taux de vacance faibles dans les grandes villes, une performance résiliente quelle que soit la situation économique.
La vraie raison d’investir dans le résidentiel est plus structurelle. Elle découle directement de la démographie, plus importante pour le logement que les variations du cycle d’activité. Les grandes villes françaises affichent le taux de croissance le plus fort d’Europe, sous la poussée de trois facteurs :
- une progression démographique un peu plus dynamique que dans les autres pays, - des tendances sociales (liées aux divorces et à la décohabitation) qui multiplient le nombre de ménages à population constante, et surtout
- une augmentation continue du taux d’urbanisation, passé de 74 à 87% depuis 1990, et qui devrait atteindre 93% en 2020.
Selon les études de l’INSEE, près de la moitié de la croissance démographique future devrait se concentrer sur 1% du territoire français, situé principalement en région parisienne et dans quelques métropoles de province. Les besoins d’équipement qui résultent de ce mouvement de population sont encore renforcés par l’inadaptation du parc actuel aux normes environnementales et aux typologies recherchées par les locataires, qui demandent plus de petites surfaces. Entre le cœur de Paris, où les prix se sont envolés, et des territoires ruraux où ils marquent un recul, apparaissent ainsi des zones tendues où le logement présente de solides perspectives de valorisation, portées par ce déséquilibre structurel entre l’offre et la demande de logements.
D’un point de vue réglementaire, les pouvoirs publics ont fait leur part du chemin. La loi ALUR a été amendée avant même d’entrer en vigueur. Par ailleurs, le statut du logement intermédiaire créé par la loi de finances pour 2014 offre de nouvelles opportunités. Avec une TVA à taux réduit et une exonération de taxe foncière, le logement intermédiaire retrouve une rentabilité locative nette de 3,5 à 4% (à comparer à la performance de 2,8% constatée par IPD en 2014 pour l’ensemble du secteur). Faut-il ajouter que la construction de logements neufs soutient l’emploi en France et qu’elle respecte le plus souvent des normes environnementales exigeantes ? Sans prendre le pas sur l’analyse financière, ces éléments de responsabilité sociale et environnementale jouent un rôle important pour des investisseurs institutionnels de plus en plus sensibles à la cohérence globale de leurs choix.
C’est dans ce nouvel environnement que s’inscrit la création de fonds institutionnels orientés totalement ou partiellement vers le logement intermédiaire. Ces expériences visent à rendre à l’immobilier résidentiel tous ses atouts, dans un cadre de gestion intermédié : stabilité et résilience des revenus, protection contre le risque de remontée de l’inflation, conservation et création de valeur à long terme.
S’il se confirme, le regain d’intérêt des institutionnels pour le logement ne peut être que bénéfique. C’est un enjeu social : la France est l’un des pays européens où les institutionnels détiennent la plus faible partie du patrimoine locatif. Leur retour est indispensable au développement d’un parc de logements abordables et bien entretenus. Mais c’est aussi un enjeu économique. La présence durable des institutionnels est un élément de stabilisation et d’assainissement du marché. Elle lui évite de s’éloigner trop loin de ses fondamentaux et contribue à égaliser le flux des investissements d’une année à l’autre. Les institutionnels ont sans doute aujourd’hui autant besoin du logement que le logement a besoin d’eux, et les pouvoirs publics semblent décidés à accompagner cette démarche. C’est peut-être la meilleure garantie d’une remise en perspective apaisée des avantages de l’immobilier résidentiel.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir