L'analyse de Rafaella Ostier, Responsable des relations avec les CGP chez Nordea.
Les violents à-coups subis par les marchés boursiers au cours des cinq dernières années ont contribué à ériger les fonds Multi-actifs, au rang de solution d’investissement appropriée en toute circonstance. Une réputation plutôt légitime, puisque dans l’ensemble la performance de ces fonds ne s’est pas démentie, en particulier dans le cycle de reprise des marchés en 2009-2010.
Pour autant, ce succès global ne doit pas occulter la multitude de stratégies que peut recouvrir ces fonds. Cela implique des différences notoires pour l’investisseur final, non seulement en termes d’allocation d’actifs, mais aussi d’exposition au risque et de valorisation du capital.
Parce que la classification est commode, on pourrait distinguer différentes approches d’allocation d’actifs selon trois grandes catégories, ayant chacune ses propres caractéristiques.
- La première correspond à la gestion de forte conviction, fondée autour de partis-pris assumés. Elle se traduit généralement par des choix très sélectifs - donc discriminants - assumés par le gérant, en termes de pondération des différentes classes d’actifs, de pondération sectorielle et géographique ou de types de capitalisations boursières et d’émetteurs obligataires à intégrer en portefeuille. Plus que toute autre, cette approche vise essentiellement à profiter activement de mouvements de marchés selon des anticipations établies.
Si toute la valeur ajoutée d’une approche de conviction réside généralement dans la forte spécialisation de l’équipe et la sélectivité des actifs, plusieurs limites ne sont pas à négliger. Par essence, le degré de risque et le régime de volatilité auxquels s’expose potentiellement l’investisseur sont plus élevés que dans les autres types de gestion. Le biais cognitif relatif aux fortes convictions du gérant est un atout, si et seulement si, celui-ci s’appuie sur des ressources humaines (analystes sell-side/buy-side, analystes multi-actifs, comité d’investissement, équipe de gestion des risques…) nécessaires à l’application cohérente de ses choix allocataires et à la maîtrise des risques.
- Autre approche, celle d’une gestion traditionnelle. Celle-ci s’appuie le plus souvent sur une allocation d’actifs dite « stratégique », régie par l’appréciation de tendances fondamentales, de long terme, et une allocation d’actifs dite « tactique », permettant des ajustements à la marge sur l’exposition du portefeuille, via des positions actives, afin de bénéficier de momentums de marchés. Un avantage procurant toute latitude pour profiter de perspectives structurelles, tout en conservant la possibilité de paris plus opportunistes, de court terme, favorable non seulement à un surcroit de performance, mais aussi à une couverture des positions longues engagées. Reste qu’à l’instar d’une gestion de conviction, cette approche ne fait pas non plus de la gestion du risque un élément central et décisif dans le processus d’investissement.
- Un positionnement que ne partage pas le troisième profil : celui d’une approche « par le risque » qui repose sur une allocation d’actifs dont le budget de risque global est prédéfini et contraignant. Lorsqu’une classe d’actifs ou un titre ne respectent pas ce budget de risque, ils ne sont pas intégrés en portefeuille… quitte à manquer certaines opportunités d’investissement, dont le potentiel de performance aurait pu sembler attractif, a priori. Il s’agit de déterminer au préalable un niveau de risque et d’allouer ensuite différents actifs en fonction de celui-ci. Ce type de gestion s’oppose aux deux précédents, dont le niveau de volatilité et de sensibilité au risque sont la résultante passive de l’allocation d’actifs. Ces dernières années, cette approche a clairement eu le vent en poupe avec notamment l’essor des fonds de « risk-parity », dans lesquels les actifs contribuent de manière égale au risque global.
Trop conservatrice, la gestion par budget de risque manquerait-elle de gisements de valeur ? Si elle accorde effectivement une moindre place aux convictions des gérants ou à des prises de positions actives sur les différents titres, cette approche n’en reste pas moins particulièrement indiquée dans l’optique d’une allocation patrimoniale. Quoique résolument prudente, une telle gestrion ne diminue pas la part allouée aux actifs risqués comme les actions, mais cherche plutôt a en abaisser le niveau de risque en investissant dans des titres dont les principales variables financières sont très stables (faible volatilité des cours, régularité et pérennité des dividendes, des bénéfices, des flux de trésorerie). Parce qu’elle recherche des rendements robustes, tout en limitant l’exposition du portefeuille aux facteurs de stress exogènes et aux variations de marché, la gestion par « budget de risque » est une solution d’investissement à ne pas négliger. Surtout à l’heure où les investisseurs doivent immuniser leur portefeuille contre la recrudescence de vives turbulences de marché, observée récemment.
---------- découvrir les lettres et newsletters d'Esteval Editions ----------